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Le vendredi, dernier jour de cours. Je n’ai qu’une hâte, voir Sophie pour qu’elle m’explique, mais elle ne vient pas en cours. Je suis d’une humeur morose quand je rentre chez moi prendre ma valise, pour rejoindre mes parents pour les fêtes.
Pendant toute la durée du vol, je me morfonds, me retenant parfois difficilement de pleurer. En arrivant au canada, je suis saisi par le froid. Je n’étais pas venu depuis leur déménagement dans ce pays cet été. Ils sont venus me chercher, et passent leur temps à me parler de tout ce qu’ils ont découvert ici, des différence avec la France.
Je suis sur un nuage, heureux. Mais dès que les paroles se tarissent un peu, je repense à Sophie, et je ne comprends pas. Ils me questionnent sur les cours, la fac. Je réponds vaguement, faisant tout mon possible pour éviter que la conversation dérape sur mes fréquentations.
Mes parents travaillent tous les jours, les premiers de leur activité étant critique pour leurs finances. Je m’ennuie, ce qui n’est pas bon pour mon moral. Je revois la soirée avec Sophie quand je suis seul, quand je dors, dans mes rêves, dans mes cauchemars. Je ne comprends toujours pas.
Au bout de quelques jours, ma mère me fait comprendre qu’elle sait que je ne vais pas bien, et qu’elle est là si j’ai besoin de parler. Comment lui expliquer un truc pareil ? A force de tourner en rond, je me dis que si mon esprit reste embrumé, je lui dirai le lendemain.
Mon père rentre plus tôt que d’habitude :
– “Patrice, fais ta valise.”
– “Mais non, je repars la semaine prochaine, après le nouvel an”
– “Une tempête de neige arrive, si tu ne pars pas aujourd’hui, tu risques de ne pas partir avant la rentrée des classes”
J’allume la télé pour vérifier. Ils annoncent un mètre de neige. En plus de ce qui est déjà sur les bords des routes. Alors j’obéis, et je refais ma valise, la boule au ventre : prévoir de passer mon réveillon seul dans ma chambre d’étudiant, rien de tel pour achever mon moral.
Dans l’avion, j’aperçois une hôtesse s’éclipser avec un passager. Je souris, je me doute de ce qu’il va se passer. Mais cela ne me fait ni envie, ni rêver. Je n’arrive de toute façon pas à dormir durant le vol, mes pensées occupées totalement par l’envie de parler à quelqu’un de cette nuit là.
De retour à Lyon, je traverse la ville sans la voir, en remarquant à peine les rares flocons de neige. Personne à la résidence, je m’écroule sur mon lit aussitôt rentré. Entre le décalage horaire et la fatigue due au manque de sommeil depuis une semaine, je m’endors comme une masse.
Au matin, je me réveille ronchon, et je décide de tout faire pour m’occuper l’esprit et penser à autre chose que Sophie. Mon ordinateur et ma collection de vidéos me tendent les bras. Je décide de faire confiance au hasard, et je lance en mode aléatoire. La première vidéo se lance, mais je suis interrompu immédiatement par mon téléphone qui sonne.
C’est Céline. Je décroche, et elle semble différente, moins sûre d’elle. Comme si elle avait des soucis. Alors je lui raconte la tempête de neige, pour lui changer les idées. Elle rigole, puis s’excuse quand elle apprend que je suis seul à la résidence. Elle a une soirée prévue pour le réveillon, mais devrait me rejoindre avant la fin des vacances, elle a besoin de se poser un peu avant la rentrée.
Discuter avec elle me remonte le moral. Savoir que la solitude va bientôt finir aussi. En plus, Céline est une bonne copine, et même si elle a un copain, je me verrais bien avec elle. Je n’ai encore aucune idée de comment faire, mais je rêvasse déjà du résultat.
Alors que je rêve éveillé allongé sur mon lit, mon téléphone sonne pour un SMS. Je souris, me demandant ce que Céline a oublié de me dire.
Ce n’est pas Céline. C’est Sophie. Mon cœur rate une pulsation. Avant de lire le message, je suis furieux contre elle de m’avoir laisser sans nouvelles pendant dix jours. Et me déranger pendant que je m’imaginais avec Céline n’aide pas à la pardonner.
Elle me demande quand je serais sur Lyon, parce qu’elle voudrait me voir pour tout m’expliquer. Quand je lui dis que je m’ennuie à la résidence, elle me répond que c’est parfait. Puis ne répond plus avant le début d’après-midi : elle m’envoie une adresse et un numéro de chambre.
Je regarde vaguement un plan, et je me mets en route. Je me demande pourquoi elle est dans un hôtel. Pendant que le bus se traîne, je m’imagine des tas de scénarios sur ce qu’elle veut de moi. Après tout, nous sommes sex-friend. Mon esprit qui était au ralenti depuis une semaine s’emballe, et je surchauffe en descendant à l’arrêt.
Je tourne sur moi-même, me demandant où est l’hôtel. Je relis le SMS, et je remarque qu’elle a corrigé : son correcteur a changé hôpital en hôtel. Je lève les yeux, et je reste bloqué en voyant la porte de l’hôpital. Je rentre, et j’avance en cherchant les panneaux. La dame de l’accueil me fait signe de venir la voir.
– “Je suis venue voir une amie, chambre 404.”
– “Au bout du couloir, prenez l’ascenseur jusqu’au 4eme. Ça sera sur la droite”
– “Merci, bonne journée.”
Je suis les indications données, et je commence à m’inquiéter en croisant des gens avec des masques en sortant de l’ascenseur. Alors que j’hésite, une infirmière me demande ce que je fais là. Je la regarde un instant. Je trouve son uniforme très seyant, mais je bloque complètement sur son masque. Elle le retire pour reposer sa question.
– “Je suis venue voir une amie, chambre 404.”
– “Venez, c’est par là”
Elle me guide, toque à la porte :
– “Sophie, tu as de la visite. Tu veux un rappel des règles du médecin ?”
– “Non, c’est bon”
Sophie a bougonné depuis la chambre. Je remercie l’infirmière qui ferme la porte derrière moi. Je m’approche doucement de Sophie. Elle a une jambe dans le plâtre. Son pyjama d’hôpital laisse voir un bandage sur son épaule. Elle bouge doucement, comme si elle était courbaturée. Elle se redresse dans le lit pour être un peu plus assise. Avec la chaleur de la chambre, je suffoque. Je prends mon temps pour enlever mon sac et ma veste et les poser par terre dans un coin de la chambre. Je la laisse parler la première :
– “Tu as passé un bon Noël ?”
– “Moui. Un peu perdu, j’ai pas eu le temps de m’habituer au Canada”
– “Comment ça se fait que tu es déjà rentré ?”
– “Une tempête de neige allait bloquer les avions, mes parents m’ont mis dehors. Et toi, tu as passé un bon Noël ?”
– “Bof. J’ai eu une part de buche après la purée de carottes”
– “Tétais déjà ici ? Mais tu as été renversée par une voiture avant les vacances ?”
– “Pas tout à fait.”
– “Comment ça ?”
– “C’était pas une voiture”
– “Tu t’es fait renversée par quoi ?”
– “Je sais même pas si on peut appeler ça renverser.”
Je le regarde sans comprendre. Elle m’explique qu’elle est suivie par des médecins depuis dix ans déjà, pour des petits symptômes sans lien les uns avec les autres. Qu’elle a déjà fait des centaines d’analyses. Mais que chaque fois qu’on met le nom d’une maladie sur ses symptômes, il ne faut que quelques mois pour qu’un nouveau symptôme n’apparaisse pour contredire le diagnostic.
Des événements récents ont permis de comprendre enfin ce qu’elle avait, mais elle en a payé le prix avec une fracture de la jambe, des articulations qui la font souffrir, et une épaule démise.
– “Mais du coup, tu as quoi au final ? Elle a un nom cette maladie ?”
– “Ils ont parlé de fragilité osseuse et ligamentaire lié à un problème hormonal de surdosage de je sais plus quoi. Et c’est la version courte”
– “Et du coup, ça donne quoi comme problèmes; en pratique ?”
– “En cas d’émotions fortes, mon cœur s’emballe, mes hormones montent en flèche, et mes muscles se tendent, au point de mettre à mal mes os et mes ligaments.”
J’ouvre des grands yeux, je reste bouche bée. Je n’en reviens pas de ce qu’elle a du subir pendant des années avant d’en arriver là.
– ”Je vais éviter de te faire rire ou pleurer alors.”
Elle sourit, et me regarde droit dans les yeux :
– “Tu sais, il faut vraiment une émotion très intense. Là, je suis sous bêta-bloquants. Même si tu m’annonces un décès ou que tu me quittes, je devrais m’en sortir avec quelques spasmes”
– “Alors on est encore ensemble ?”
Une infirmière entre avec un plateau avant qu’elle ne réponde.
– “C’est l’heure du goûter”
– “J’ai pas faim à quatre heures, comme d’habitude”
– “Je le mets là, et vous pourrez partager avec votre visiteur.”
Elle me dévisage du coin de l’œil en vérifiant que tout est normal pour Sophie. Comme son regarde devient insistant, je me présente.
– “Bonjour, je suis son petit a”
– “CHUT”
– “Ah, c’est vous ? Intéressant. En cas de besoin, le bouton d’appel est là. Mais j’espère que vous n’en aurez pas besoin. Enfin, si. Mais non. T’en penses quoi Sophie ?”
– “J’en pense qu’on voudrait rester seuls, si c’est possible.”
– “C’est ce que je dis. Mais pas d’émotions fortes jeune fille. Ordre du médecin.”
Je n’ai strictement rien compris à ce qui s’est passé. L’infirmière sortie, je regarde Sophie, qui est rouge comme une tomate.
– “J’ai dit un truc qu’il fallait pas ?”
– “Tu n’es pas mon petit ami.”
– “Tu as dit qu’on était ensemble.”
– “On était sex friend avant les vacances, ça n’a pas changé. Pour le moment.”
– “Vu comment tu m’as mis dehors, j’ai eu des doutes tu sais.”
Mon air accusateur ne la trompe pas. Elle a le regard vague, je vois une larme au coin de son œil.
– “Tu te rends pas compte de combien tu m’as fait mal.”
– “Mais mal comment ? Ca fait dix jours que je revois et je ne sais pas. Explique moi.”
– “J’ai eu le premier orgasme de ma vie.”
Elle s’arrête, les larmes dans les yeux. Et je réalise enfin.
– “L’orgasme est une émotion ?”
– “Oui et non. Il a décuplé la tension provoqué par mon émotion de le faire avec toi, et d’être aussi bien dans mon corps. C’était tellement bon. L’espace d’un instant. Et après, j’ai tout fait pour contrôler mes muscles, mais je t’ai mis dehors pour pouvoir gémir de douleur le temps d’appeler une ambulance.”
– “Je suis désolé. Je savais pas.”
– “Moi non plus. Au moins, mon diagnostic est posé, et ils sont en train de regarder quels traitements je pourrais prendre pour limiter les risques.”
– “Mais attends : du coup, les ambulanciers t’ont vue toute nue ?”
– “Je pouvais à peine bouger, alors m’habiller, tu imagines bien que c’était pas possible. Mais ils ont l’habitude tu sais.”
– “Je sais, mais je suis jaloux.”
Elle change de sujet, on papote un peu, de tout et de rien. Pendant un blanc, je reste silencieux, à me demander comment je vais pouvoir être sex-friend avec une fille qui n’a pas le droit de jouir. Ou d’aimer. Ou de pleurer.
L’infirmière qui m’a escorté passe un peu plus tard reprendre le plateau auquel Sophie n’a pas touché.
– “Sophie, vous nous avez pas dit: pour demain, vous avez le droit à une personne pour le repas, jusqu’à 22 heures. Exceptionnellement pour le réveillon.”
– “Ah bon ?”
– “Je sais pas, il faut que je vois avec Patrice, mais …”
Elle soupire sans finir sa phrase. Comme moi, elle sait le risque qu’il y a à être ensemble, à s’aimer, à avoir envie de s’embrasser. Elle l’a même su avant moi, et doit ruminer depuis des jours. Du coup, je prends les devants :
– “Ça me dirait bien. En plus j’ai pas de projets, alors je peux bien te tenir compagnie.”
– “Patrice, ce prénom me dit quelque chose. C’est vous qui avez, enfin, vous savez ?”
– “Lydia, arrêtez.”
Sophie a rougit encore une fois. Je comprend ce que l’infirmière voulait dire, j’acquiesce timidement d’un signe de tête. Je ne sais plus où me mettre. L’infirmière nous regarde chacun notre tour, puis s’en va, en nous rappelant une fois encore de ne pas faire de bêtises.
Nous n’osons pas parler après ça. On se regarde comme deux étrangers qui n’osent pas s’aborder. J’essaie de détendre l’atmosphère :
– “Tu l’as dit à tout l’hôpital ?”
– “Mais non, Lydia est celle en charge ici, et elle connait bien mon dossier depuis des années”
– “Dans le doute, je vais rentrer. Tu me tiens au courant pour demain soir ?”
– “D’accord. Et toi tu racontes ça à personne.”
Elle semble triste que je parte. Après un chaste bisou sur la joue, je m’en vais, marchant à travers Lyon pour me rafraichir les idées.
OMG 🤤🤤🤤 cette maladie existe vraiment ?
Mais lol tout de même pour ces piqûres de rappel des infirmières 😊😊😊
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Pas à ma connaissance, enfin, pas tout à fait. Pour ça que je donne pas de nom. Cela dit, les symptômes sont réalistes, j’ai juste grouper / mélanger à ma sauce plusieurs choses venant de mes lectures médicales.
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Ok 😊😊😊 merci.
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